La Vigne et le Vin de Jean Dupas : un dessin préparatoire inédit ressurgit à Bordeaux
Un dessin préparatoire inédit de Jean Dupas ressurgit à Bordeaux à la faveur d’une vente aux enchères. Il constitue la dernière étape avant l’exécution de La Vigne et le Vin, l’une des toiles emblématiques de l’artiste Art déco, peinte pour l’Exposition des arts décoratifs de 1925. Il se cachait depuis plus de soixante-dix ans dans la villa Herrera à Biarritz et sera présenté aux enchères le 9 avril, avec une estimation comprise entre 20 000 et 30 000 euros.
En 1925, l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes attire à Paris plus de quinze millions de visiteurs. Vingt-et-une nations sont invitées, six mois durant, à exposer leurs ouvrages innovants au sein de constructions éphémères, alignées de l’esplanade des Invalides aux abords des Grand et Petit Palais. La France, en qualité d’organisatrice, fait ériger plusieurs pavillons à la gloire de ses manufactures et colonies. Quatre d’entre eux, construits à partir des plans de l’architecte Charles Plumet, célèbrent le patrimoine viticole français. Aux côtés de la Bourgogne, de la Loire et de la Champagne, le Bordelais investit l’une des tours, dont l’aménagement intérieur est confié à l’architecte Pierre Ferret, un enfant du pays, concepteur de l’Hôtel Frugès, qui entend façonner un projet « d’une haute tenue d’ensemble et d’une grande noblesse ». A l’inauguration, les visiteurs découvrent, dans le hall du pavillon, une sculpture polychrome spectaculaire d’Alfred Janniot, donnant à voir une allégorie de la vigne sous la forme d’une figure féminine à l’antique, autour de laquelle se déploient quatre peintures de plus de huit mètres d’envergure glorifiant les ressources économiques de l’Aquitaine. Le thème de L’Agriculture revient à Jean Despujols, La Forêt landaise à François-Maurice Roganeau, Les Colonies à Marius de Buzon, tandis que Jean Dupas (1882-1964) se voit confier l’activité la plus emblématique de la région bordelaise, La Vigne et le Vin. Autant de compositions qui, acquises en 1926 par le conseil municipal de Bordeaux, parent l’amphithéâtre de l’Athénée jusqu’en 1973, pour rejoindre finalement les collections du Musée d’Aquitaine, leur actuel lieu d’exposition.
La Vigne et le Vin de Jean Dupas, un tableau manifeste de l’Art déco
Pour célébrer La Vigne et le Vin, le maître de l’Art déco compose, en un camaïeu de gris, une frise de personnages, aux silhouettes allongées, évoquant les bas-reliefs antiques. De gauche à droite se déploie une suite d’allégories évoquant la joie, la force, l’esprit, l’appel, le vin, les hommes, l’invitation, les vendanges, la sorcière préparant le feu pour l’alambic, la divine liqueur et l’alcool. Grand prix de Rome de 1910, Jean Dupas réinvente, à la faveur d’un voyage en Italie, les canons de la beauté académique. Au gré d’arabesques, les corps s’allongent et les cous s’étirent ; l’artiste fait siennes les déformations ingresques, les formes stylisées de la Grèce archaïque et la gestuelle expressive des maniéristes italiens. Autant de références qu’il se réapproprie au travers d’un prisme cubiste, livrant une œuvre singulière, qualifiée tour à tour de « néo-classique », « néo-davidienne » ou « néo-archaïque ».
Un dessin préparatoire exceptionnel redécouvert dans une villa à Biarritz
De cette toile exécutée par Jean Dupas, un dessin préparatoire présenté aux enchères le 9 avril prochain à Bordeaux, révèle les prémisses. « Il s’agit d’une œuvre très aboutie, fidèle en tous points au tableau définitif », annonce le commissaire-priseur Antoine Briscadieu. Estimé entre 20 000 et 30 000 euros, ce dessin se cachait dans une remise d’une villa Art déco érigée dans les années 1920 pour le Chilien Jorge Oscar Herrera, roi du guano et du cigare. « Il a probablement été acheté autour de 1950 par les parents des actuels propriétaires. Il a été retrouvé lors de travaux et a échappé de peu à la déchetterie », détaille le commissaire-priseur qui, sollicité le 31 décembre dernier, a reconnu immédiatement la signature du peintre emblématique des années 1920. « C’est une redécouverte majeure pour l’histoire de l’art. Ce fusain perdu est le dernier dessin préparatoire exécuté par Jean Dupas avant la toile définitive qui compte aujourd’hui comme l’une des pièces maîtresses du musée d’Aquitaine. »
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